« Depuis la nuit des temps, chaque instant, chaque endroit est ton coeur originel. » 

Attribué à Bodhidharma dans le siue-mai luen (T.48 n°2009, p.373b),
traduit par Catherine Despeux
 
L'hospitalité galicienne
Brume, fraicheur et grisaille du matin, ce qui sera le cas tous les matins jusqu'à O Pedrouzo.
Nous prenons un petit-déjeuner avec Lisa en face de notre albergue, dans un café plein à craquer en regardant passer non pas les trains mais un train de centaines de peregrinos et turigrinos grimpant la rue principalle de Sarria. A la sortie de Sarria, une côte sérieuse permet une bonne mise en jambes. Un vieux bonhomme mendie là, au bord de la route. Je passe devant lui avec un sourire tout en continuant, mais je me sens alors très mal à l'aise. Certes, nombreux sont ceux qui profitent de l'activité apportée par le pèlerinage. Mais pour quelle raison ne devrions-nous pas nous séparer d'un euro ou deux lorsqu'un être humain a l'humilité de tendre la main ? Tous les pèlerins, presque tous, sont des privilégiés, parce que capables de passer des semaines, et des mois pour certains, à voyager, donc capables de subvenir à leurs besoins matériels sans travailler pendant tout ce temps. Je n'ai pas vu de pauvres sur le chemin, à quelques rarissimes exceptions près, dont «la Bouddhiste» rencontrée à Zumaïa au pays basque. Alors je fais demi-tour et je donne un peu d'argent à cet homme, avec joie, et son sourire est une tellement belle récompense même si je n'en attendais pas.

En haut de la côte, juste avant de regagner les chemins de campagne se dresse le monastère de la Magdalena avec un très beau cloître dont j'ai vraiment raté la photo. J'en ai donc emprunté une sur internet. Par contre la photo de l'extérieur est bien la mienne.  
« En 1568 el Monasterio de la Magdalena se integra en la Orden Agustina, extinguiéndose así la Orden de los Bienaventurados Mártires de Cristo (Magdalenos) que lo había gobernado en los tres siglos anteriores.»
Le chemin commence juste à côté par une descente vers un pont roman. Nous nous y arrêtons pour une photo, qui sera aussi complètement ratée, alors que nous avons attendu plusieurs minutes afin qu'il n'y ait plus de foules pérégrines sur le pont...(photo alternative ci-dessous de l'OT de Galice) Nous cheminons donc avec tout un groupe de seniors Etats-Uniens pendant un petit kilomètre au bout duquel une montée brusque provoque l'essoufflement d'une bonne partie d'entre eux, dont une dame qui a beaucoup de mal à reprendre sa respiration dans la montée.  J'ai même cru qu'elle allait s'effondrer là tout à coup. Heureusement il n'en fut rien ! Il arrive cependant que des pèlerins trépassent sur le Chemin. Une stèle était dédiée à une Allemande dans la montée vers O Cebreiro, un jeune homme avait aussi perdu la vie au pays basque, dans la montagne, et nous en verrons encore une dans l'avant-dernière étape, entre Arzua et O Pedrouzo. Il y a également les accidents, et pire quelquefois,mais beaucoup plus rarement. Ainsi, un cycliste Français a été retrouvé mort après Astorga cette année, et une américaine a été violée et assassinée il y a deux ou trois ans par un malade près d'Astorga également. Pour près de 270.000 pèlerins enregistrés à leur arrivée à Santiago, de tels drames sont toutefois rarissimes.  
Photo du pont, empruntée à http://www.turismo.gal
Les paysages de Galice sont vraiment enchanteurs, avec leurs petits murets, vallonnés mais pas trop, une multitude de bosquets de châtaigners, de petits chênes, des forêts d'eucalyptus, qui n'ont rien d'endémique mais se répandent à vitesse grand V dans la région, et aussi en Asturies.  Pour ma part, je n'y vois pas d'inconvénients. Ils ont toute l'eau dont ils ont besoin, brumes et pluies étant au rendez-vous pendant une bonne partie de l'année. De surcroît, j'adore l'odeur propagée par ces  arbres. Maintenant, je vais me taire pour vous laisser à la contemplation de ces paysages à la fois intrigants et rassérénants.
Tout à coup, en plein bois, nous percevons au loin un son de cornemuse qui s'amplifie rapidement et nous tombons alors sur ce joueur en costume traditionnel qui joue des airs celtes galiciens à ravir dans ce paysage où ne manquent plus que des elfes dansants !  Plus prosaïquement en voilà un vraiment très avisé commercialement au regard de la floppée de pièces de monnaie qui s'accumulent dans l'étui de son instrument. Mais ne soyons pas chagrins dans cet environnement idyllique ; j'en ajoute une avec joie !
Entre-temps vous aurez deviné que Viking nous a rejoints... ou nous l'avons rejointe, je ne me souviens plus très bien. Lisa marche un peu trop lentement, aussi je continue en compagnie de Viking en laissant notre oracle à l'arrière.
En milieu d'après-midi, nous atteignons les abords de Portomarin sans savoir que deux épreuves nous attendent coup sur coup avant d'entrer dans la ville.  A un embranchement, nous remarquons que le Chemin se dédouble en proposant deux options, une pour les vélos, une autre pour les piétons. Ils auraient dû préciser «pour les alpinistes».... Nous nous retrouvons en effet face à une descente aussi raide que celles du Camino del Norte, entre deux murs. Viking la descend héroïquement en sautillant, les bras en l'air, portant à bout de bras son bâton gigantesque d'un côté, une bouteille d'eau de l'autre !!! Je vais la suivre, mais avec beaucoup plus de précautions, vous vous en doutez !  
Croyez-moi, la pente est beaucoup plus raide qu'elle n'en a l'air sur la photo !
Deuxième épreuve, le pont moderne construit en 1963, immense, 300 mètres de long sur 30 mètres de hauteur qui traverse la rivière Miño !! Vous vous souvenez probablement que je suis sujet à un vertige maladif.... 
Hé bien il va falloir longer cet étroit passage pour piétons (photo de droite) pendant une bonne dizaine de minutes qui vont me sembler des heures.... Quant à Viking, comme son surnom ne l'indique pas, elle a aussi le vertige, et comme son surnom l'indique, elle traversera le pont comme un général le champ de bataille, en avançant sans crainte au milieu de la chaussée entre de nombreuses voitures roulant de part et d'autre. Quant à moi, je m'efforce de ne pas regarder du côté du vide, mais je le sens tout de même là et bien là.
(Les photos ne sont pas de nous, nous
  pensions alors à tout autre chose.... ).  
Au bout du pont, une volée de 46 marches d'escalier mène au centre ville via un autre pont, construit à partir d'une arche de l'ancien pont romain disparu, beaucoup plus court et cette fois non vertigineux. Portomarin a en fait été reconstruite ici près du monte do Cristo, après que le bourg historique ait été noyé sous les eaux du barrage de Belesar en 1962.
Après avoir grimpé les 46 marches, je me dirige vers l'albergue du soir, El Mirador, qui mérite bien son nom, offrant un beau point de vue sur l'amont de la rivière Miño. J'y retrouverai Lisa une heure plus tard.
Nous dinerons sur la terrasse avec Viking, Anna, une Allemande, Arina, Allemande mais d'origine Russe, et Bill, un New-Yorkais qui ne doit pas être loin de ses 70 ans, l'air parfaitement zen, très souriant, qui va malheureusement devoir retourner vers la Babylone d'outre-Atlantique dès le lendemain.      
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               Étape N°9
         Sarria          Portomarin      
22 septembre - 24 kilomètres
 
Fin de l'étape N°9